quand j'étais comédien
Ce site -qui était alors complètement différent- a été pendant une dizaine d’année ma “vitrine” en tant que comédien professionnel. Je reprends ici mon parcours, avant tout pour en garder une trace, parce que je commence déjà à oublier quelques petites choses…
J’ai joué principalement des classiques, et quasimment exclusivement au théâtre. Mes incursions au cinéma et à la télévision sont très rares. Et tant mieux parce que ce ne sont pas toujours de bons souvenirs. J’ai aussi fait un peu de mise en scène, et monté plusieurs associations, j’en parle à la fin.
théâtre
Molière
La dernière pièce que j’ai jouée était L’Avare, de Molière, mis en scène par Frédérique Lazarini. Frédérique m’a fait confiance pour interpréter Valère, que j’ai adoré joué : un valet de Molière roublard comme on les aime, presque un jeune premier, bientôt un Scapin s’il continue comme ça. Nous l’avons joué au Théâtre 14, quand c’était encore Emmanuel Dechartre qui le dirigeait, au Théâtre Artistic Athévains, et en (petite) tournée.
J’avais déjà joué un Molière, et déjà un Valère ; cette fois, celui du Tartuffe, dans la mise en scène de Marion Bierry, en tournée et dans le magnigique Théâtre de Paris. Quelle chance d’avoir pu jouer dans un lieu comme celui-là ! Bon, la salle était rarement aussi pleine que nous l’espérions, les critiques n’ont pas été dithyrambiques, mais c’était la chance de partager le plateau avec Claude Brasseur (ça ne nous rajeunit pas). Et le souvenir d’un interminable fou rire partagé à quelques uns, qui nous faisait sortir de scène pour reprendre notre souffle et revenir au plateau juste le temps d’essayer de dire notre réplique. Pas très professionnel, mais qu’est-ce que c’était bon !
D’ailleurs, j’ai toujours aimé les fous rires au théâtre. Dans L’Avare aussi, nous en avions essuyé de beaux ! Les metteuses en scène ne sont pas contentes (c’est leur boulot), mais nous on se prend une belle décharge d’hormones de bonheur -mêlée à un peu de culpabilité. Pas vrai Cédric Colas ? C’est aussi une bonne occasion d’être réellement au moment présent et d’arrêter de jouer à. N’est-ce pas l’objectif ultime ?
Mais quand j’ai vu jouer Jean-Laurent Cochet pour la première fois sur scène, c’était dans Doit-on le dire ? de Labiche, qu’il reprenait au Théâtre Tristan Bernard. Et, au beau milieu de la pièce, il a un fou rire avec un de ses partenaires. Ils ne s’arrêtent plus, le rire devient contagieux et emporte la salle. Je pleurais. Quand je suis retourné voir la pièce quelques semaines plus tard, le même fou rire au même endroit ! C’était un faux fou rire. Je me suis senti trahi mais j’ai quand même encore ri. Et j’ai ri à chaque fois.
Avant ça, j’avais eu la chance de faire quelques remplacement dans la formidable-extraordinaire-mémorable mise en scène d’Arnaud Denis des Fourberies de Scapin. J’y jouais Carle et Nérine, et obtenait les faveurs du public quand Nérine dévoilait ses mollets poilus. J’ai beaucoup de tendresse à repenser à cette pièce, cette troupe, cette ambiance, et la joie d’en être parfois.
Et ma première incursion chez Molière, c’était dans Les Femmes savantes, mises en scène par Colette Teissèdre, avec Clitandre. Quelques belles scènes, de quoi claquer le bec des pédants, et l’occasion de jouer avec Bérengère Dautun qui déployait là tout son savoir-faire dans Philaminte.
Musset
Quel jeune acteur n’a pas rêvé de jouer Octave des Caprices de Marianne ? Eh bien j’ai eu la chance de jouer Cœlio, dans la mise en scène de Stéphane Peyran, qui, lui, jouait Octave. Quelle terreur de commencer par ces “Malheur à celui qui…”. Ce n’était pas franchement la plus joyeuse partie de ma vie, alors je n’ai pas pu en profiter autant que j’aurais aimé, mais c’était l’occasion de retrouver Colette Teissèdre qui jouait ma maman, de rencontrer la formidable personne qu’est Robin Laporte et de voir pour les premières fois sur scène Margaux Van den Plas. Et puis, bien sûr, c’était jouer cette si belle scène avec Stéphane, avec qui j’avais partagé de mes plus belles années au cours de Jean-Laurent Cochet. Et aussi de mourir sur scène, comme Roméo.
Shakespeare
Quel jeune acteur n’a pas rêvé de jouer Roméo de Roméo et Juliette ? Eh bien j’ai eu la chance de le jouer, dans une mise en scène de Philippe Boronad et Anne-Louise de Ségogne. Des combats à l’épée, des déclarations d’amour, des prêtres et des parents.
Une fois, devant des scolaires, me retrouvant torse nu pour la scène de l’alouette (ou du rossignol), j’entends au premier rang : “whaou il est trop beau !”. J’étais refait. J’inspire, et au moment où je devrais commencer à parler, j’entends, d’un air dubitatif, sa voisine : “tu trouves ?”. Je me suis dégonglé comme un ballon de baudruche.
Autre anectode. Combat à l’épée avec Tibalt. Je ne retiens pas assez bien mon coup, ou bien mon partenaire est-il un peu trop avancé, quoi qu’il en soit ma pointe vient se ficher dans son pubis. La pointe est mouchetée, certes, mais je vois à son regard qu’il a eu mal. J’ai vraiment dû me défendre sur les coups suivants, qu’il ne retenait que mollement. Comme un bon fou rire mais en pas drôle, cet accident a apporté une sacrée épaisseur au moment présent, et je doute que nous ayons jamais été aussi bons. Encore désolé, Jochen.
Marivaux
L’Épreuve, la première pièce pour laquelle j’ai été engagé. Nous jouions au Théâtre des Cinq diamants, petite salle parisienne. J’y jouais Frontin, et je servais Yann Verburgh (écoute donc deux de ses fables sur France Culture), avec qui j’avais tant travaillé au cours Cochet. Nous avions fait la paire, passant de Hugo à Montherlant, de Musset à Dostoïevski. Il écrit maintenant des merveilles et si tu aimes le théâtre c’est sûr que tu as déjà vu quelque chose de lui. Bref, nous nous retrouvions là pour notre premier “vrai” engagement après que Jean-Laurent Cochet nous avait fait jouer de petits rôles dans Le veilleur de nuit de Guitry, et je crois que notre complicité et notre joie se voyaient. Mais j’ai merdé, violemment, et ma responsabilité est entière dans notre séparation - oui, c’est comme ça que je l’ai vécue. L’épreuve était passée du plateau à la vie.
(à suivre…)